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Comment les profs de yoga peuvent re-traumatiser leurs élèves

Selon des études de l’OMS, environ 70 % de la population humaine a été exposée, dans leur vie, à un ou plusieurs événements pouvant être considérés comme traumatisants.

Cela fait beaucoup de monde.

Compte tenu de cette statistique, si vous enseignez le Yoga, il y a de fortes chances que vous ayez dans vos cours des étudiants ou des clients privés touchés par un traumatisme fort, même s’ils n’en sont pas toujours conscients.

Nombres d’entre eux vont au Yoga pour soulager leur inconfort ou leur souffrance. Qu’ils aient identifié ou pas que ces états pouvait être dû à un traumatisme.

Alors ils se dirigent vers le yoga considéré comme une pratique respectueuse et sans danger. Le plus souvent c’est vrai à condition que l’étudiant est en bonne condition physique et psychique.
Mais cela peut ne plus être le cas lorsqu’une personne avec des traumatismes pratique une séance qui n’est pas adaptée à son état intérieur. Et c’est le cas de la plupart des séances de yoga classique.

Un cours de yoga traditionnel peu avoir des effets négatifs sur les personnes traumatisées. Peu de pratiquant et d’enseignant en ont conscience.

Évidemment, ce n’est pas pas que le professeur ait envie d’augmenter la souffrance d’un élève ! Mais ça peut se faire malgré lui s’il n’est pas familier avec les nuances concernant les traumatismes.

Sans connaître la pédagogie spécifique pour enseigner le Yoga aux personnes traumatisées, vous, en tant que professeur de Yoga, pourriez en réalité amplifier le traumatisme chez certains de vos élèves malgré vos bonnes intentions.

Dans cet article, vous apprendrez que des choses que vous faites peut-être en ce moment en tant que professeur de yoga peuvent activer la réponse aux traumatismes chez vos élèves sans que vous vous en rendiez compte.

Le langage

Qui pourrait penser que des mots comme . . .
Doucement
Gentiment
Calmement

… sont des mots qui pourraient stresser des personnes traumatisées ?
Ne suggèrent-ils pas la paix, la sérénité, la tranquillité ? Ne s’agit-il pas d’aspects positifs ?
Absolument, ils sont positifs.

Une personne traumatisée veut atteindre ces états d’être. Bon sang, que ne donnerait elle pas pour la paix, la sérénité et la tranquillité ?

Pourtant elle ne serait sûrement pas dans votre cours si elle pouvait facilement atteindre ces états. En fait, elle n’y arrive pas. Lorsqu’elle vous entend lui dire de faire quelque chose calmement, ce qu’elle ne peut pas faire dans son état , la frustration, voire la colère peuvent monter rapidement.

Ou bien, elle peut avoir honte d’elle-même, ressentir de la culpabilité, pensant qu’elle est nulle, qu’elle ne se sentira jamais mieux, et que tout est de sa faute, et tout et tout….

Un meilleur mot est « lentement ».

Lentement est préférable au « calmement » car aucun état intérieur n’est suggéré . Ce n’est qu’une notion de vitesse. Faire quelque chose lentement pour quelqu’un qui est touché par un traumatisme n’est peut-être pas confortable, mais c’est plus neutre, sans condition émotionnelle, que calmement.

Mieux que « lentement », vous pouvez dire « à votre rythme », ou « quand vous êtes prêts ».

De plus le mot « gentiment » peut être déclencheur d’un stress car c’est un mot qui pourrait être utilisé dans des relations manipulatrices. Comme « sois gentil(le) ».

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Les postures proposées

Certaines postures peuvent être mentalement et émotionnellement difficiles pour les élèves traumatisés.

Les mains derrière le dos ou derrière la tête peuvent évoquer des situations dans lesquelles les élèves auraient pu être attachés. Pour les mêmes raisons , tout usage de sangles est déconseillé.

La posture de l’enfant, telle quelle, peut être ressentie comme une position de soumission.

Les postures avec les jambes écartées ou avec les fesses qui sont poussées vers l’arrière (comme en Adho Mukha Svanasana ou Uttanasana) peuvent être difficiles et délicates pour les personnes ayant subi des violences sexuelles.

Nadi Shodhana Pranayama, la main sur le visage limitant la respiration peut être ressentie comme mettant la vie en danger.

Ne pas savoir quand la posture va se terminer laisse en général les élèves dans un état d’incertitude. Les étudiants traumatisés ont souvent un besoin particulier de se sentir autant que possible en contrôle de leur situation. Pendant que nous travaillons ensemble avec les élèves vers l’autonomie, ainsi que vers la tolérance à l’inconfort et à l’ambiguïté, il est rassurant pour eux, au moins quand ils débutent la pratique, de savoir combien de temps la posture va durer.

Les accessoires

Certains accessoires ne sont pas recommandés pour le YOVT.

Deux accessoires à éviter d’utiliser avec des personnes traumatisées sont :

  • Les sangles

  • Les coussins pour les yeux

Les sangles peuvent être stressantes pour toute personne dont le traumatisme est lié au fait d’être attachée.

Les oreillers pour les yeux peuvent être une source de stress dont le traumatisme est lié au fait d’avoir les yeux bandés.

Juste pour clarifier un peu, dans le YOVT, nous utilisons des coussins pour les yeux, mais pas sur les yeux.

Dans un cours collectif, il est conseillé d’éviter tout usage des sangles et des coussins pour les yeux car même le fait de voir ces deux accessoires peut créer du stress chez une personne concernée.

Dans un cours privé, vous pouvez demander à votre élève s’il est d’accord avec l’utilisation de ces accessoires ; cependant, il est fort possible que l’élève n’ait pas encore la capacité de dire « non » et accepte de les utiliser même si ceux-ci peuvent lui causer du stress.

Posture et attitude de l’enseignant

La posture de l’enseignant peut être une source de stress et d’insécurité pour l’élève.
En plus d’un langage trop directif ou autoritaire, l’enseignant peut avoir une posture générale trop autoritaire pour les élèves traumatisés.

Il est important que les élèves se sentent guidés par un enseignant compétent et qui possède un certain degré de confiance et de présence dans la classe. L’enseignant doit être l’autorité dans la classe, mais ne doit pas être autoritaire.

À l’autre extrémité du spectre, un enseignant trop amical, trop indulgent et trop proche des élèves est également indésirable.

Dans le YOVT, les élèves doivent sentir que l’enseignant est centré, stable et qu’il ne se laissera pas entraîner par d’éventuelles vagues d’émotions qui pourraient surgir pendant la pratique. Les élèves ne doivent pas non plus avoir l’impression qu’ils peuvent manipuler l’enseignant, ce qui est plus facile à faire si l’enseignant n’a pas établi une distance saine avec l’élève.

Il est important que les enseignants trouvent un équilibre sain entre l’autorité et la convivialité, la compassion et le non-attachement.

Les tenues de Yoga

Les enseignants doivent également être conscients de leur apparence, en particulier de leur tenue vestimentaire et des accessoires qu’ils peuvent porter.

Il est important que les enseignants s’habillent de manière plus ou moins neutre et modeste. Il n’est pas nécessaire d’aller à l’extrême en matière de modestie, mais les enseignants devraient éviter de trop dévoiler leur peau. Je ne dis pas qu’ils doivent porter des manches longues et des cols roulés. Mais ce que quelqu’un pourrait porter pour une pratique de Bikram ou de Hot Yoga ne serait pas recommandé pour un enseignant d’un cours pour personnes traumatisées.

Soyez également conscient de tous les symboles spirituels que vous pourriez porter dans vos accessoires. Même s’il s’agit d’un cours de yoga basé sur les principes yogiques, il n’est pas recommandé de mettre en avant la culture du yoga.

Les étudiants de tous horizons devraient être les bienvenus dans ce type de cours sans se sentir obligés, même subtilement, d’adopter tous les aspects du yoga.

Soyez conscient que le traumatisme de certains élèves peut provenir d’un abus spirituel ou religieux. Tout symbole de religion ou de spiritualité peut provoquer du stress.

Conclusion

Même si les enseignants prennent toutes ces précautions à cœur, il est impossible d’éliminer toutes les sources potentielles de stress pour tous les élèves. Le but n’est pas non plus de protéger les élèves de toutes perturbations et de les garder à l’abri dans votre cocon de Yoga.

Ce qui est important, c’est de prendre davantage conscience des détails de votre enseignement. Le simple fait d’être conscient que certains mots ou situations peuvent causer du stress à certains élèves vous prépare à affronter des élèves qui pourraient réagir d’une manière à laquelle vous ne vous attendiez pas.

Mira Jamadi